Nos enquêtes et reportages sur l'écologie
La lettre écologie
mercredi 07 juin 2023
Un mercredi sur deux, retrouvez les enquêtes, reportages et entretiens de Mediapart sur l'écologie.
Pour recevoir cette lettre gratuite, il vous suffit, si ce n'est pas déjà fait, de vousinscrire ici
édito
Ecoterrorisme ou le renversement de la culpabilité
Par Floriane Louison
Il y a comme un décalage, un manque de concordance logique entre l’action et la réaction.

Cette semaine, une vague d’interpellations a eu lieu dans le mouvement écologiste. Les témoignages recueillis par Mediapart décrivent une opération policière hors-norme : des dizaines de policiers cagoulés quadrillant un village, des perquisitions et interpellations dans au moins dix villes, une enquête ouverte pour « association de malfaiteurs », des gardes-à-vue pouvant durer 96 heures comme pour le grand banditisme.

Hors norme pour les faits reprochés : une action militante qui a duré 15 minutes, en décembre dernier, contre l’usine Lafarge de Bouc-bel-Air (Bouches-du-Rhône). Que fait-on exactement en quinze minutes contre le leader mondial du ciment ? On sectionne des câbles électriques, on éventre des sacs de ciment, on endommage quelques machines et engins de chantier, on inscrit en lettres noires des slogans sur les murs : « c’est qui les dindons de la farge ». 4 millions d’euros de dégâts selon les estimations, invérifiables pour l’heure, de l’entreprise. Soit 0,01% de son chiffre d’affaires annuel. L’usine a recommencé à tourner deux jours plus tard.

« Saccage », « sabotage », « activisme violent » ou bien « démantèlement », « désarmement » ? Le champ sémantique est large pour qualifier l’action et donc, porter différentes positions politiques face à l’urgence environnementale. Parce que, au fond, le sujet est vital : le béton, produit par Lafarge en quantité toujours plus importante, est incompatible avec la survie de la planète. Il étouffe les sols, constipe les rivières, détruit les habitats naturels, erode les plages, pollue l’air et aussi, c’est le deuxième responsable des dérèglements climatiques après les énergies fossiles. Alors, dans ce contexte, quelle action devient légitime pour notre subsistance à long terme ? Et où est la violence ? 

Mais ce débat n’a pas eu lieu car il a dérivé d’emblée dans des sphères délirantes qui coupent court à toutes réflexions sensées : « terrorisme ». « Ce sont des actes comparables à du terrorisme. Le pire aurait pu arriver et provoquer les mêmes conséquences qu’un attentat terroriste », écrivait le maire LR de Bouc-Bel-Air dans un communiqué en réaction à l’action. Pour oser une telle outrance dans un pays qui a connu la réalité des attentats, il fallait un terrain bien préparer. Et l’agitateur est au sommet de l’État où le ministre de l’intérieur Gérard Darmanin réitère à intervalle régulier ses accusations d’écoterrorisme, sans prise avec aucune réalité, contre les activistes écologistes.

Dépolitiser, décrédibiliser, faire taire en criminalisant, la stratégie est rebattue et délétère mais là, elle tourne au ridicule. Car dans cette histoire, le plus proche du terrorisme, c’est l’usine Lafarge. Et il ne s’agit pas du débat sur qui est l’écoterroriste entre l’activiste écologiste ou le pollueur, mais des accusations très concrètes qui pèsent sur le cimentier français.

Le groupe est actuellement mis en examen pour « financement d’une entreprise terroriste » et « complicité de crimes contre l’humanité ». Précisément pour avoir financé des organisations terroristes, dont l’État islamique. Son unique but, selon les enquêtes de Mediapart, était de maintenir coûte que coûte son activité en Syrie. Ce qui fait peur sur les lignes rouges que Lafarge est prête à franchir et notamment face aux dérèglements climatiques. Des lignes rouges autrement plus dévastatrices que 15 minutes de tags « éco-terroristes » sur les murs d’une cimenterie.
Partager FacebookTwitter

Retrouvez nos articles sur le sujet : 
Par

15 jours pour 1€ seulement
Testez Mediapart !

Nos dernières ENQUÊTEs
Par
Avec sa concentration record de mégaporcheries, la commune du Finistère est un symbole de l’intensification de l’élevage porcin et de ses conséquences. Enquête sur un coin de Bretagne où rien n’échappe aux cochons. Ni l’eau, ni l’air, ni la mairie.

NOTRE DOSSIER
Par
TotalEnergies sait que ses activités sont nocives pour le climat depuis 1971. Pourtant, le géant pétrolier continue d’émettre autant de gaz à effet de serre que l’ensemble des Français·es. En pleine crise énergétique, TotalEnergies a annoncé début 2022 un bénéfice record de 14 milliards d’euros. Retrouvez ici nos articles et nos enquêtes sur une des multinationales les plus polluantes au monde.
Par
Le géant pétrolier a utilisé ses superprofits record de 2022 pour investir toujours plus dans les énergies fossiles. D’ici à 2025, la firme est en passe d’approuver de nouveaux projets pétrogaziers qui rejetteront près de quatre fois les émissions annuelles de la France.

NOS DERNIÈRES VIDÉOS
Par
À l’appel d’une coalition d’ONG environnementales, des militants climat ont perturbé l’assemblée générale annuelle du groupe pétrogazier TotalEnergies. Ils ont notamment empêché certains actionnaires d’accéder à la salle. Une confrontation entre deux mondes aux colères radicalement différentes.
Par
Le réalisateur Dominik Moll, lauréat de six César pour son film « La Nuit du 12 », est l’invité de Mediapart. Il revient sur la polémique suscitée par le discours de Justine Triet au Festival de Cannes. Inquiet lui aussi d’une « marchandisation de la culture » et d’une « tendance à la rentabilité à tout prix », le réalisateur regrette le manque d’écoute de la part du gouvernement.

SUR LE TERRAIN
Par
L’entreprise agricole Primaloire vient d’être condamnée pour l’intoxication de 76 personnes au métam-sodium en 2018. L’interdiction du pesticide n’a pas freiné le développement du maraîchage industriel. En Loire-Atlantique et Maine-et-Loire, son expansion provoque même de vives tensions.

POUR Y VOIR PLUS CLAIR
Par
Dans le Triangle de Gonesse et sur le plateau de Saclay, la police fait place nette pour que se déverse le béton du Grand Paris. Ainsi, le ministère de l’intérieur décide du sort des meilleures terres nourricières d’Île-de-France. Face au désastre climatique et au fléau de la sécheresse, la destruction des sols fertiles ne peut plus durer.
Par
Mediapart a décompté 190 représentants des industriels, accrédités pour suivre les discussions organisées à Paris pour établir un traité international sur la pollution plastique. Ils veillent notamment aux intérêts de TotalEnergies ou Coca-Cola, le plus gros pollueur plastique au monde.

Dans le Club  Les lecteurs prennent la parole

Face à l'amplification de la crise climatique, un collectif d'avocat·es, de juristes, de militants associatifs lancent l’ONG Climate Whistleblowers. Objectif : protéger les lanceurs d'alerte, ces « sentinelles du climat » qui mettent leur sécurité en jeu en témoignant ou en rendant publiques des données sensibles.
15 jours pour 1€ seulement
Choisissez l'indépendance
Nos investigations, vidéos et analyses ne sont possibles que grâce aux contributions de nos abonné·es. Soutenez le premier quotidien en ligne 100% indépendant !
Je teste pour 1€
Se désabonner