Jeudi 24 mars 2022
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Le mot de la semaine
Par , responsable du pôle politique à Mediapart
Personne ne le dira ouvertement chez La République en marche (LREM), mais les propos tenus par Emmanuel Macron, jeudi 17 mars, sur l’IVG (interruption volontaire de grossesse) ont profondément heurté une partie de ses troupes. Notamment parmi les député·es de la majorité qui avaient voté, en février dernier et contre l’avis du gouvernement, une proposition de loi allongeant le délai légal de l’avortement de 12 à 14 semaines.
 
Interrogé pour savoir s’il regrettait ou non l’adoption de ce texte, le président-candidat a affirmé qu’il aurait effectivement préféré qu’on réponde à ce problème autrement. L’avortement « est un droit, mais c’est toujours un drame pour une femme », a-t-il indiqué, défendant la position conservatrice et culpabilisante qu’il avait déjà soutenue dans un entretien accordé au magazine Elle. « Je mesure le traumatisme que c’est d’avorter », avait-il dit à l’époque.
 
Malgré les appels de nombreuses militantes féministes, responsables politiques, chercheuses ou gynécologues, demandant que l’on cesse d’assigner les femmes ayant eu recours à une IVG au drame et à la douleur, le président de la République n’a jamais varié sur le sujet : « Des délais supplémentaires ne sont pas neutres sur le traumatisme d’une femme », avait-il encore affirmé en novembre 2021, à l’occasion d’un déplacement au Vatican.
 
« Qu’un chef de l’État ait cette position est vraiment inacceptable et c’est une preuve qu’il n’écoute pas les associations féministes et les femmes », avait alors réagi Sarah Durocher, coprésidente nationale du Planning familial. Pour lutter contre les préjugés véhiculés par Emmanuel Macron, dans la lignée de la droite la plus classique qui adopte la rhétorique des anti-IVG, le mouvement a récemment lancé une campagne sur les réseaux sociaux, sous le hashtag #OuiJaiAvorté.
 
Campagne oblige, aucun des soutiens du candidat n’a souhaité commenter le fait que ce dernier estime encore que l’avortement « marque les femmes à vie », tout en assurant, dans le même propos, avoir « toujours défendu avec force le droit des femmes à disposer de leur corps ». Pourtant, cet exemple confirme une nouvelle fois la véritable nature du « en même temps » macroniste : un concept vide de sens, destiné à masquer des politiques profondément conservatrices.
 
En octobre 2020, à l’Assemblée nationale, la députée LREM Aurore Bergé avait rappelé qu’un certain nombre de femmes présentes dans l’hémicycle avaient eu recours à l’avortement. « Nous n’attendons ni compassion, ni commisération, ni en fait rien, avait-elle souligné. Nous voulons que toutes les femmes dans notre pays puissent exercer leur droit sans entrave, sans qu’on les retarde, sans qu’on les culpabilise. »
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Lire à ce sujet :
Par Lénaïg Bredoux

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La photo de la semaine
Les femmes sont marginales en prison. En octobre 2017, Axelle de Russé passe deux semaines dans le quartier des femmes du centre de détention de Joux-la-Ville (Yonne). Elle a créé un lien avec Magalie, Adeline, Rahmouna et a pu les suivre à leur sortie de prison. Pour ces détenues fragilisées par l’enfermement, la réinsertion est complexe, due aux lourdeurs administratives, au rejet de la société et à la solitude.

NOS enquêtes
Le mois dernier, Mediapart avait révélé le message audio laissé par mégarde par un policier à une Parisienne qui avait porté plainte pour agression sexuelle. Il parlait d’elle comme d’une « grosse pute ». Pour la justice, les preuves sont insuffisantes pour poursuivre le fonctionnaire.
Par Antton Rouget
Le député Benoit Simian (ex-LREM) est jugé ce jeudi 24 mars à Bordeaux pour des faits de harcèlement sur son ex-épouse. Les éléments de l’enquête, consultés par Mediapart, montrent comment il a utilisé sa casquette d’élu pour régler son différend personnel et « intimider » les gendarmes chargés de l’enquête.
Par Amine Abdelli
Sur la plateforme de distribution de jeux vidéo en ligne Steam, hégémonique sur PC, plus d’une centaine de références sont cliquables avec le mot-clé « viol ». Les personnages qu’elles mettent en scène sont presque toujours des femmes, parfois enfantines.

Le «Machoscope» de Mediapart
Par Lénaïg Bredoux
« Des anciennes attachées parlementaires, des élues et une journaliste vous ont accusé d’agressions sexuelles et de harcèlement. Aucune plainte n’a été déposée contre vous. Cependant, reconnaissez-vous avoir eu des comportements inappropriés vis-à-vis des femmes ? »
 
La question est posée par le journaliste Patrick Cohen dans « adn », l’émission politique de l’INA, au candidat à l’élection présidentielle Jean Lassalle. « Je commencerais par vous dire qu’on m’a beaucoup cassé les couilles avec ça… J’en ai vomi de la bile, ce qui ne m’était jamais arrivé », répond-il. « Jamais je n’aurais cru qu’une affaire comme ça aurait pu m’arriver, je n’ai jamais fait ça », a-t-il dit. Pour mémoire, Mediapart avait révélé en 2017 les accusations visant Jean Lassalle, ainsi que l’alerte lancée par l’ancien patron de l’École normale supérieure.  
 
Le Machoscope de Mediapart complet

La guerre en Ukraine
Attentive aux abus dont elles pourraient être victimes, l’Ukraine s’attache depuis le début du conflit à mettre en valeur les femmes qui se battent, militairement ou sur le front logistique et humanitaire. Un exercice périlleux, dans une guerre qui est aussi celle de la communication.
Par Cy Lecerf Maulpoix
Avant la guerre, le pays était en voie d’ouverture et marquait sa différence avec la Hongrie ou la Russie. Depuis l’invasion, tout se tend : des personnes trans sont empêchées de quitter le territoire, des réfugiés s’inquiètent de leur accueil dans une Pologne réputée pour ses zones « LGBT free », l’accès aux traitements se complique… Mais les communautés se mobilisent.
Par Mathilde Goanec
Oksana Zaboujko, écrivaine ukrainienne reconnue pour ses travaux sur le genre et l’identité, parle à Mediapart de la tradition de « survie » des femmes ukrainiennes et de leur rôle dans la guerre en cours.

Sur les réseaux sociaux
Pourquoi Mediapart n’utilise pas de #TW ?
Il y a quelques semaines, nous diffusions une citation issue d’un billet de blog sur notre compte Instagram. Une abonnée y raconte le calvaire d’années d’inceste, commis sur elle par sa mère. Une internaute nous a alors demandé d’apposer un « Trigger Warning » – un avertissement symbolisé par #TW et popularisé par des comptes militants – sur ce post afin de prévenir les autres victimes, dont le trauma pourrait être réactivé à la lecture. Dans ce cas précis, notre choix avait été de mettre une version édulcorée de ce billet sur Instagram et d’indiquer en fin de texte que la lecture complète du billet pouvait être choquante et difficile.
 
D’ordinaire, nous considérons que les titres d’articles suffisent à indiquer le potentiel traumatique, mais certains articles sont plus rudes que d’autres. Lorsque cela arrive, nous avons décidé de ne pas mettre les fameux « TW » – les « trigger warning » n'étant pas compris par tout notre lectorat. Nous privilégions une phrase de mise en garde, ainsi que cela est parfois fait en tête des articles publiés sur le site de Mediapart. Nous appliquons par ailleurs cette pratique à tous les contenus difficiles, notamment ceux qui comportent des récits détaillés de violences ou des images choquantes.

Dans le Club  Les lecteurs et lectrices prennent la parole

Par Les invités de Mediapart
Revenant sur le sens et l'usage de l'insulte « grosse pute », prononcée par un policier sur le répondeur d’une femme de 34 ans qui venait de porter plainte pour agression sexuelle, plusieurs universitaires expriment leur solidarité avec « toutes les “grosses putes” qui viendraient se présenter dans des commissariats et y subiraient le même traitement qu’Élodie. »
Par Résistance Agression Pub

Le livre pour tous·tes
Par Faïza Zerouala
Journal intime d’une féministe (noire) d’Axelle Jah Njiké
 
Le voyage littéraire d’Axelle Jah Njiké est singulier. Par touches, en convoquant ses souvenirs les plus enfouis, l’autrice et militante franco-camerounaise Journal intime d’une féministe (noire) (Éd. Au diable vauvert) raconte son parcours d’émancipation entre racisme et violences. Elle a subi un viol à l’âge de 11 ans et des violences éducatives tout au long de son enfance, à son arrivée en France à 6 ans.
 
Si clamer que l’intime est politique est devenu un lieu commun dans le champ militant, l’affirmation prend toutefois tout son sens à la lecture du récit d’Axelle Jah Njiké. Elle y revisite, de manière enlevée, ses histoires d’amour, continues ou en pointillé, ses avortements librement décidés, ses blessures familiales, sa précarité et sa maternité.
 
La découverte de la littérature érotique et de la masturbation ouvre à l’autrice un horizon révolutionnaire, elle se réapproprie son corps et sa sexualité.
 
En tant que femme noire féministe, elle pense à ses aïeules, pour lesquelles leur sexe est honteux et n’aura été toute leur vie qu’un « truc pour les hommes – et les bébés aussi, un jour ». Alors elle espère figer cette position sous sa plume pour tisser un nouvel imaginaire, « un récit radicalement contraire à celui, délétère, encore véhiculé par bon nombre de cultures, coutumes et traditions qui considèrent les femmes comme inférieures ». Axelle Jah Njiké veut dépasser le féminisme « théorique et abstrait » et proposer une autre voie, plus « sensorielle » et émancipatrice. Celle qui guide ces femmes pour lesquelles habiter et reprendre possession d’elles-mêmes est une question de vie ou de mort.

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